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Cause de licenciement: Refus d'une modication collective du temps de travail - Soc. 23 septembre 2009, FS-P+B, n° 07-44.712

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Cause de licenciement: Refus d'une modication collective du temps de travail - Soc. 23 septembre 2009, FS-P+B, n° 07-44.712 Empty Cause de licenciement: Refus d'une modication collective du temps de travail - Soc. 23 septembre 2009, FS-P+B, n° 07-44.712

Message  Hélène Morin P8 Mer 21 Oct - 11:30

" Le refus d'un salarié d'accepter la modification de son contrat de travail résultant de la mise en œuvre d'un accord de modulation du temps de travail peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement."

Commentaire de l'arrêt:

Le régime juridique de la modification du contrat de travail est un sujet qui a beaucoup occupé la chambre sociale depuis le célèbre arrêt Raquin et Trappiez (Soc. 8 oct. 1987, Bull. civ. V,n° 541 ; J. Pélissier, A. Lyon-Caen, A. Jeammaud, E. Dockès, Les grands arrêts du droit du travail, Dalloz 2008, p. 263 s. ; A. Barège, J. Cortot, La modification du contrat de travail, in Les arrêts fondamentaux du droit du travail - Relations individuelles, ss la dir. de Bossu, APU 2007, p. 233 s.). Cela se comprend en raison, d'abord, de l'importance pour l'entreprise de la possibilité de faire évoluer les missions de ses salariés en fonction notamment de la conjoncture, et ensuite de la nécessité de protéger le salarié contre des excès dans l'utilisation du pouvoir patronal. Après avoir mis en place une distinction fondamentale entre modifications substantielles et non substantielles du contrat de travail pour déterminer l'étendue du pouvoir de l'employeur dans ce domaine (la distinction se basant alors essentiellement sur les conséquences concrètes de la modification), les magistrats du quai de l'Horloge devaient opter, à compter de la seconde partie des années 1990, pour une reconnaissance objective des éléments de la relation de travail qui nécessitaient, pour évoluer, un accord du salarié. C'est ainsi de modification du contrat de travail et de simple changement des conditions de travail que l'on parle depuis. Les premières, déterminées objectivement au fil des décisions des hauts magistrats ne peuvent être imposées au salarié par l'employeur, contrairement aux secondes (V. J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, G. Auzero, Droit du travail, « Précis Dalloz », 2008, p. 747 s.). La durée du travail fait partie des éléments dont la modification nécessite l'accord du salarié (Soc. 20 oct. 1998, Bull. civ. V, 433 ; D. 1999. 174, obs. Desbaratsjavascript:void(0)). Il existe néanmoins des cas dans lesquels l'accord du salarié n'est pas requis, comme le montre l'arrêt rendu par la chambre sociale le 23 septembre 2009.

Un salarié d'une entreprise dans laquelle avait été signé un accord d'aménagement, d'organisation et de réduction du temps de travail - notamment dans le cadre de l'article L. 212-8 du code du travail (art. L. 3122-9 s.) - refuse la mise en place à son égard de la modulation du temps de travail hebdomadaire sur l'année ainsi arrêtée. Il est alors licencié, l'employeur considérant que son refus d'application d'un accord collectif global intégrant plusieurs éléments comme temps de travail et rémunération va à l'encontre de l'organisation générale de l'entreprise, laquelle ne peut en pareille matière qu'être uniforme pour l'ensemble des salariés.

On se situe bien, dans cette décision, face à un problème de modification du temps de travail. Si la durée du travail n'est pas nécessairement atteinte quant à son volume annuel par un accord collectif de modulation (même si cela semble être le cas ici), il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une évolution du poste de travail bien supérieure à un simple changement d'horaire, que la jurisprudence considère comme relevant seule du pouvoir de direction de l'employeur (Soc. 22 févr. 2000, Bull. civ. V,n° 67). Nécessite en effet notamment l'accord du salarié le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit (Soc. 22 mai 2001, Bull. civ. V, n° 178), tout comme le passage d'un horaire fixe à un horaire variable (Soc. 14 nov. 2000, Bull. civ. V, n° 365). Les faits de l'espèce auraient par conséquent dû conduire à donner la possibilité au salarié de refuser l'évolution de son poste de travail résultant de l'accord de modulation, et incidemment à rendre sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour son refus en application de l'arrêt Raquin et Trappiez précité, sauf à considérer que l'on se situait face à un simple changement d'horaire, ou que le statut collectif l'emportait ici sur le contrat de travail.

Il convient néanmoins de se souvenir que le législateur, lors du vote de la loi dite « Aubry II » (Loi n° 2000-37 du 19 janv. 2000), conscient des difficultés que pourrait poser la jurisprudence relative à la modification du temps de travail pour l'application des accords de passage aux trente-cinq heures, a prévu d'en neutraliser les effets. C'est ainsi qu'a été institué l'article L. 212-3 du code du travail (art. L. 1222-7) selon lequel la seule diminution du nombre d'heures stipulé au contrat de travail, en application d'un accord de réduction de la durée du travail, ne constitue pas une modification du contrat de travail. Sans modification du contrat de travail, le salarié ne peut refuser l'évolution. L'article 30, II, de la loi précitée (codifié à l'art. L. 1222-8 c. trav.) prévoit quant à lui que si un salarié refuse une modification de son contrat de travail en application d'un accord de réduction de la durée du travail, son licenciement est un licenciement individuel ne reposant pas sur un motif économique et est soumis aux dispositions relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel. L'application d'un accord de réduction du temps de travail dans une entreprise est ainsi assurée car l'évolution de la durée du travail en résultant pour chaque salarié n'est légalement pas une modification du contrat de travail et par conséquent n'est pas soumise à leur accord. Leur refus caractérise un motif réel et sérieux de licenciement. Par contre, si l'accord en question va plus loin que la seule réduction de la durée du travail (par exemple évolution corrélative de la rémunération), l'exclusion légale du régime de la modification du contrat de travail ne doit plus s'appliquer et chaque salarié est libre d'exprimer son refus, qui ne pourra lui être reproché ni fonder un licenciement.

Selon nous, le licenciement prononcé en l'espèce ne rentre pas dans le cadre de ces dispositions d'exception. Nous nous trouvons face à un aménagement du temps de travail et non d'une seule réduction, qui est l'unique hypothèse pour laquelle la loi écarte le régime de la modification du contrat de travail. Ce régime trouvait donc bien application ici (la Cour de cassation parle elle-même en l'espèce de modification).

Ce n'est cependant pas l'avis de la chambre sociale qui, sur la base de l'article 30, II, précité (on aurait plutôt imaginé une référence à l'article dans son ensemble), considère que le refus d'une modification résultant de la mise en œuvre d'un accord de modulation constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. On constate ainsi une extension de la portée de l'exclusion du régime de la modification du contrat de travail, qui dépasse les seuls accords collectifs de réduction du temps de travail pour atteindre également les accords de modulation, doublée d'une lecture un peu rapide des dispositions légales. On notera néanmoins que, fort logiquement d'ailleurs, la Cour de cassation exige que l'accord de modulation en question soit conforme aux exigences légales. Ce n'était pas le cas en l'espèce (absence de plusieurs éléments obligatoires), le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

On précise que les dispositions relatives à la modulation du temps de travail ont été modifiées par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008. Néanmoins, les éléments de la décision analysée demeurent d'actualité.
J. Cortot


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Hélène Morin P8

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